Principes de communication
Pourquoi communiquons nous au juste ? Pendant des siècles, nous avons développé des langages, de plus en plus sophistiqués, afin d’expliquer ce qu’il est possible d’appréhender dans notre conscience, notre savoir. Nous acquérons des savoirs, des expériences, qui nous permettent de pouvoir mieux vivre. La philosophie, la religion, la politique, le commerce, la médecine sont des formes de communication, avec un sens bien défini.
Communiquer, c’est bien, mais attention toutefois à y mettre les formes ! Dans la communication, il y a la racine «cum», ensemble. Communiquer, c’est transmettre un message qui vient de nous, et qui va vers l’extérieur. L’extérieur appréhende t’il le message de la même façon que nous le transmettons ?
1- Contextes et enjeux de la communication
Le postulat de base : la communication est un acte d’information, où un émetteur envoie un message à un récepteur. C’est le schéma mécanique de Shannon.
«Aujourd’hui, j’ai bu un litre et demi d’eau.»
C’est factuel, vous savez que j’ai bu, de l’eau, en une certaine quantité.
«Je viens d’obtenir le poste de Directeur Commercial, je suis trop content !»
Vous venez d’apprendre ma promotion, si cela se trouve, vous vouliez ma place ! Cette information va vous faire réagir !
La communication est donc un acte interactif d’information : l’émetteur envoie un message, le récepteur réagit. Si nous communiquons pour faire réagir l’autre, c’est que nous avons notre idée derrière la tête !
«Le taux directeur de la BCE étant au plus bas historiquement, les conditions d’octroi des prêts bancaires sont revus à la baisse.»
Je communique une information technique, qui nécessite que mon interlocuteur ait un minimum de pré-requis pour comprendre mon message : une connaissance dans le domaine économique, pour valider les concepts de taux directeur, BCE, le lien entre la BCE et les banques, le crédit... Pas moins de 4 concepts ! Et si j’ai lancé cette phrase, c’est pour interagir avec mon interlocuteur. J’ai donné, par cette information technique, un sens à ma communication : les crédits sont moins chers en ce moment. Maintenant, si je dis cette phrase à mon enfant de 4 ans, il y a de fortes chances qu’il me regarde avec un regard interdit, les grands yeux ouverts à se demander dans quelle langue je lui ai parlé ! Je n’aurai pas le même impact avec un directeur administratif et financier d’une société cotée au CAC 40 !
Nous pouvons ainsi définir la communication comme un acte d’information interactif de partage de sens.
Si je veux maintenant optimiser le partage de sens de la communication avec mon interlocuteur, plusieurs autres paramètres vont rentrer en ligne de compte.
La notion de partage de sens implique un degré d’implication de mon interlocuteur.
Je demande à mon fils : «Tu veux un pain au chocolat pour ton goûter ?»
Nous sommes juste après le déjeuner : l’enjeu pour mon fils est lointain. Le partage de sens sera faible.
Nous sommes à la sortie de la maternelle : l’enjeu est très important pour lui ! Il s’agit d’obtenir un goûter qu’il adore ! Ainsi, nous voyons par cet exemple que le partage de sens peut varier en intensité selon les enjeux, mais aussi selon les contextes. Ne pas tenir compte de ces paramètres crée parfois des malentendus, des conflits...
Le contexte :
Demandez à un jeune dans son milieu de vous parler d’argent, il va vous parler de sous, de blé, de flouze... Et rentrer dans l’agence bancaire et parler d’argent, d’euros... Le contexte est donc une composante de la communication.
Il y a le contexte linguistique, que nous avons déjà développé dans les enjeux. Il y a le contexte de lieu, de comportements. Les problématiques vont être plus ou moins partagées suivant les lieux dans lesquels ils vont être exposés. De l’avis d’un bon nombre de psychologues, les agences bancaires, suite à des campagnes massives et souvent brutales, sont devenus des lieux plus ou moins anxiogènes. Le contexte, dans ce cas, devient défavorable au développement. Mais cette situation n’est jamais irrémédiable, car il suffit de changer le contexte (qualité d’accueil, d’écoute...) pour inverser la tendance. Le contexte n’est donc pas statique, mais bien modifiable à souhait, selon une impulsion commune partagée entre l’émetteur du message et son récepteur. Ainsi, nous avons vu ces dernières années un effort d’aménagement des agences vers l’ouverture, un coté plus agréable, plus de couleurs, de convivialité.
Des axes de travaux sont à développer sur d’autres contextes :
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le contexte culturel où l’image de la banque peut être travaillée, sur la qualité de la relation de proximité avec un groupe socio culturel (les bobos...)
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le contexte organisationnel où le maillage des agences st parfois à revoir, le management plus axé sur le collaboratif...
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le contexte matériel, avec un choix d’équipement plus ergonomique, un peu comme le «Concept Store» de la BNP Paribas
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le contexte temporel : l’aménagement des plages de rendez-vous dans les agences, développer l’activité bancaire «hors des murs» en mettant en place un code d’éthique et de déontologie sérieux en place.
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le contexte relationnel : limiter l’autorité autoritariste si fréquente dans les banques, sans doute lié à la relation de pouvoir que procure l’argent...
Il ne s’agit pas pour autant de révolutionner le système, mais bel et bien de le faire évoluer vers la relation humaine dans une dimension plus riche, plus variée, plus sincère sans doute. Avec la connaissance, voilà l’intérêt réel et la richesse du métier de «banquier» !
- Les enjeux de la communication :
Alex Mucchielli (Théorie Systémique de la Communication) définit 5 types d’enjeux dans la communication :
L’enjeu informatif :
L’objectif est de transmettre une information, un fait. Cet objectif parait évident, simple, et pourtant, en restant objectif, il est très rare de transmettre une information neutre. La quantité d’informations est aussi importante. Donner juste le nécessaire nécessite d’être attentif à celui à qui nous transmettons l’information : pas assez peut entrainer des malentendus ; trop peut entrainer un rejet. L’enjeu informatif permet, quand il est clairement défini, et sans autre enjeu derrière, d’avoir une excellente communication.
L’enjeu de positionnement d’identité :
Le problème pour la plupart des personnes, c’est qu’elles ne savent pas vraiment qui elles sont !
C’est très visible lors d’entretiens d’embauches : ceux qui connaissent leurs valeurs pour un poste ont bien plus de chance de le remporter que ceux qui se cherchent ! Pourquoi ? Tout simplement parce que ceux qui se connaissent peuvent se valoriser intelligemment.
Que l’on soit entrepreneur ou bien simple employé, nous véhiculons une image qui est un ensemble de projection des autres sur soi, mais qui n’est pas forcément la réalité. Ce pour quoi nous sommes intimement faits se découvre à partir de notre être, non pas de notre personnalité.
Ainsi, ce pour quoi nous sommes faits nous permet de nous positionner naturellement. C’est l’autorité naturelle.
L’enjeu de positionnement d’identité est malheureusement souvent lié à l’enjeu d’influence, où la relation de pouvoir prend le dessus.
L’enjeu d’influence :
C’est le rapport que nous avons avec l’autorité autoritariste.
Le détenteur d’une fonction statutaire, d’une position institutionnelle exercice une domination sur l’autre afin d’obtenir de lui une obéissance inconditionnelle, sous la forme d’une soumission. Cette volonté de domination est volonté de détenir un pouvoir indiscuté, d’avoir une emprise totale sur l’autre dans une forme de toute puissance. Car la volonté s’impose unilatéralement, sans discussion ni explication, dans un « rapport » de force et non dans une « relation ». En l’absence d’échange et encore moins de consentement, l’autre n’est pas pris en compte comme sujet.
L’enjeu d’influence peut être tout autant positive : c’est l’influence positive de certains managers sur leurs équipe. J’ai personnellement eu beaucoup de chance au départ de ma vie professionnelle d’avoir rencontré des managers hors normes qui ont usé de leur influence pour m’apprendre leur métier dans des conditions exceptionnelles. Depuis presque dix ans maintenant, j’essaye de transmettre à mes étudiants ce savoir, avec cette même influence, sans jouer de mon rôle dominant de maître.
Je vois le résultat par rapport à certains collègues, les jeunes n’hésitent pas à se confier, la relation de confiance permet de mieux transmettre le savoir.
L’enjeu relationnel :
La communication est un acte de concrétisation de la relation humaine, où qui se ressemble s’assemble. Il est bien plus facile de parler à une personne qui a le même vocabulaire, les mêmes valeurs, les mêmes codes sociaux. Ainsi, nous voyons que l’esprit de communauté favorise les échanges entre les membres. Au delà des clichés sur les personnes issues de l’immigration, l’enjeu relationnel se retrouve dans l’esprit de groupe. Pratiquant le jazz depuis plus de 20 ans, dans diverses formations, il est important de concrétiser au delà du jeu musical des relations complices afin de mettre en place le «liant» entre les musiciens. Bien des agences bancaires devraient d’ailleurs s’inspirer de ce qui se pratique au niveau du management musical : développer le collaboratif, c’est l’une des formes de l’enjeu relationnel : éviter tout parasite nuisant à l’entente entre les membres du groupe.
L’ enjeu normatif :
Afin d’établir une bonne communication, il est important de bien pouvoir définir de normes communes de relations : relations professionnelles, personnelles, ou bien pratiquer le même langage, la même définition des mots.
Je le dis souvent à mes étudiants de licence : un bon chargé de clientèle est avant tout un dictionnaire français-banquier avant d’être un chargé de clientèle !
Un norme sociale construit des valeurs, des principes de morale ou d’éthique reconnu dans la société.
Ainsi, fidéliser un client n’est pas forcément de l’équiper de pied en cape, c’est avant tout de partager une norme relationnelle partagée et définie, où chacun peut s’y reconnaitre. Ainsi, cela laisse à chacun un espace pour échanger autour de projets personnels, de situations parfois délicates.
Les entretiens de conseils bancaires peuvent, avec ces 5 enjeux, trouver un relief bien différent de ce qui est pratiqué actuellement dans les agences !